C’était lors d’une escapade sur la côte ouest guadeloupéenne. Je marchais sur la plage déserte, les yeux rivés sur l’horizon, cette infinie ligne coincée entre la mer d’huile et la toile céleste. Je me plaisais à imaginer une île au loin.
Je la fantasmais comme une autre vie. Une terre où règne sérénité et où l’amour peut être trouvé. Une existence paisible à en croire les lignes du carnet que j’ai pu conserver, relatant mes songes, pendant plusieurs années.
Soudain je suis ramené sur le sable, extirpé de mes pensées !
Un crabe au corps d’or prolongé de pinces blanches, à mon flanc, me fixe. Surpris par l’apparition de ce petit être, que je trouve élégant, je pivote et le sonde puis dégaine mon appareil photo.
Le mouvement dansant de ses mandibules me lance un bonjour de courtoisie. Je m’approche doucement et, comme escompté, toutes ses pattes entament une impressionnante et fulgurante chorégraphie. Je le suis quelques mètres amusé par la situation. J’ai noté « Il me fait sourire. Quel énergumène ! M’aurait-il volé quelque chose ? Mes pensées ? »
La trace laissée sur le sable par sa fuite, tout de profil soit dit en passant, m’amène à un bijou de cheville aux perles rouges, perdu sur la plage à l’ombre d’un mancenillier. Je me baisse et le ramasse.
Aussitôt j’ai la sensation que les chimères de mon esprit, imaginées avant cette rencontre, s’y matérialisent. Dès lors je gardais cette chaine écarlate précieusement comme souvenir d’un moment passé dans un paradis exotique, virevoltant entre les songes comme on nage au creux des vagues.
Merci petit crabe, je souris, me mordillant légèrement la lèvre amusée, en vous disant qu’il représente aussi mon signe astrologique.
C’est la grande histoire de cette petite photo.